dimanche 7 octobre 2012

Billets-Massacre des rhinocéros



Massacre des rhinocéros

Au Vietnam, la corne de rhinocéros se boit en cocktail
Les nouveaux yuppies, qui raffolent de ce produit, sont responsables d’un boom du braconnage en Afrique du Sud.

C’est la nouvelle mode au sein de la jeunesse dorée vietnamienne : dans les soirées branchées, les cocktails contiennent de plus en plus souvent de la poudre de corne de rhinocéros.
Dans cette communauté d’hédonistes soucieux de leur statut social, certains hommes sont ­persuadés que la corne de rhino peut améliorer leurs performances sexuelles. Apparemment, ils ignorent qu’à des milliers de kilomètres de là leur lubie pourrait entraîner la disparition d’un magnifique animal.

En Afrique du Sud, les braconniers ont tué en moyenne 14 rhinocéros par an entre 1990 et 2005. Depuis, ce chiffre a grimpé en flèche. En 2010, 333 rhinos ont été abattus, et 448 en 2011. Sur les huit premiers mois de 2012, 339 bêtes ont été sacrifiées pour leur corne, ce qui pourrait faire de cette année la plus meurtrière depuis qu’il existe des statistiques sur le sujet.

“Perdre 500 bêtes par an au lieu de 12 ou 14 est une catastrophe”, affirme Tom Milliken, directeur des régions orientale et méridionale de l’Afrique pour le réseau Traffic, qui surveille le commerce des bêtes sauvages. “Depuis le début de ma carrière, c’est la première fois que je vois la corne de rhino atteindre de tels prix.”

Un rapport publié en août par Traffic, et auquel Tom Milliken a contribué, met en cause “une combinaison mortelle de lacunes institutionnelles, de professionnels du secteur de la faune sauvage corrompus [propriétaires de réserves, chasseurs professionnels et vétérinaires] et d’organisations criminelles asiatiques”. Ce document identifie quatre principaux groupes de consommateurs qui alimentent la demande.

“Certains croient que la corne de rhino facilite la détoxication du corps, en particulier après l’ingestion excessive d’alcool et d’aliments riches, explique le rapport. Des consommateurs fortunés ont donc pris l’habitude de verser de la poudre de corne de rhino dans une boisson, de l’eau ou de l’alcool, et de la consommer comme un remontant et un remède contre la gueule de bois.”

Un deuxième groupe de consommateurs croit à un autre mythe : la corne de rhino serait un traitement miracle contre le cancer. Des commerçants sans scrupule la vendent comme tel à des malades désespérés et souvent mourants.

Un cadeau aux élites.
Grâce à la surveillance de forums sur Internet, Tom Milliken et son équipe ont pu identifier un troisième groupe : les jeunes mères riches ou appartenant à la classe moyenne, qui se servent de la corne pour préparer un remède maison contre les fortes fièvres. “Si leur enfant tombe malade et que les autres médicaments s’avèrent inefficaces, elles en ont sous la main en cas d’urgence.” Enfin, d’autres personnes en font cadeau aux élites pour s’attirer leurs faveurs. La corne de rhinocéros peut être aussi utilisée comme monnaie pour acheter des produits de luxe et, par exemple, servir à payer partiellement une voiture.

Selon le rapport de Traffic, en Afrique du Sud les rhinos sont généralement abattus au fusil d’assaut AK-47, mais récemment on observe de plus en plus de morts dues à des tirs de fusils de gros calibre utilisés habituellement par les professionnels de la faune sauvage. Cela, ainsi que des indices de passages d’hélicoptères, pourrait indiquer l’émergence d’un marché alimenté par des agents du secteur corrompus.

Les cornes transitent ensuite par une série d’acheteurs intermédiaires, d’exportateurs et de coursiers. En moins de vingt-quatre heures, un coursier peut faire l’aller-retour entre le Vietnam et l’Afrique du Sud, le sac à dos rempli de cornes de rhinocéros au retour. L’Afrique du Sud a renforcé ses mesures de lutte contre le braconnage, notamment dans le parc national Kruger, et a procédé à 192 arrestations en 2012. Le gouvernement vietnamien, en revanche, est accusé de ne pas prendre cette crise au sérieux, en dépit des pressions exercées par la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (Cites).“A notre connaissance, il n’y a pas eu la moindre saisie depuis 2008, constate Tom Milliken. Le Vietnam est le seul pays au monde où les bols qui servent à broyer des cornes de rhino sont produits en masse. Je suis allé dans une usine qui en fabrique par dizaines de milliers. Si le gouvernement déclarait publiquement que ce commerce est inacceptable et véhicule une mauvaise image du Vietnam, cela permettrait de donner une nouvelle orientation au pays et d’améliorer l’application des lois. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Dans les hautes sphères, tout le monde se voile la face.”

 “Vachement customisé !” Dessin de Tiounine paru dans Kommersant, Moscou.

Source Courrier International

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